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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/56

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dans l’intimité de ces époques solennelles, excellent à fabriquer ces sortes de pots-pourris du sentiment. Elles disent ce qui est inutile, quand il vaudrait mieux taire tout à fait ou éclaircir brutalement. Madame Lordès ne manqua point d’entortiller ses discours d’un triple voile, comme il sied ; elle eut des physionomies apitoyées et railleuses, des signes d’intelligence à l’adresse de leur bonne, des rires en dessous, et Laure, ne songeant qu’à ses polissonneries, se tourmenta longtemps de l’idée qu’on l’avait surprise derrière les angéliques. Comment ? Qui avait parlé ? Elle se livra aux enquêtes les plus minutieuses, questionna même, d’un air naïf, le clerc penché sur son papier. Il tourna vers elle son œil rouge, et eut une expression vraiment effrayante pour lui répondre :

— Eh bien, quoi ? Vous m’embêtez !

Non, le clerc, pas plus que les autres dans la maison, n’était au courant de ses mœurs. Alors, que signifiaient les phrases à double entente de sa mère ? Elle ruminait cela pendant des nuits, à l’ombre pure de ses rideaux en percale. S’exacerbant le cerveau pour deviner le fameux mystère qu’on lui cachait, elle ne dormait plus, ne mangeait plus, prenait les pâles couleurs. Enfin, elle découvrit, dans sa monstrueuse logique de vicieuse, que ses gamineries, qu’elle croyait tout simplement des jeux défendus, devaient se produire entre grandes personnes, sous les vocables amour et mariage.

Partie de là, elle songea que la maternité pou-