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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/58

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tout son poids sur ce jeune corps d’adolescente, le pliait, le brisait, et la mère, admirant béatement ce prodige de la raison s’incarnant dans une écolière de treize ans, répétait au père : « Notre fille est déjà tout mon portrait. » Le malheur c’est que les filles de treize ans ne sont jamais tout le portrait de leur mère de quarante-cinq ans. De la sveltesse de Laure nul courant électrique n’allait à l’épaisseur de madame Lordès. Qu’est-ce que les sens rassis pourront bien apprendre aux sens très nouvellement émoustillés ? Et d’ailleurs, en considérant sans parti pris les nombreuses étapes de la maternité affectueuse, qu’y trouverait-on qui pût mettre une âme fraîche en garde contre les hontes du corps ?… Quand la fille a trois mois et qu’elle ne représente qu’un paquet de chair en panade, les femmes ne se rassasient pas de couvrir de caresses ce petit objet inerte ; quand la fille a douze ans et que la tendresse effective serait pour elle un dérivatif, la mère, la plupart du temps, la sèvre de caresses, d’abord parce que ce n’est pas l’usage, ensuite et surtout parce que l’objet, déjà trop connu, manifestant des volontés, les mères n’ont plus pour lui de goût aussi vif. Or, ce n’est pas quand il ne ressent rien que l’enfant a besoin de caresses et de bruyants témoignages d’affection, c’est quand il éprouverait du plaisir, mon Dieu oui, le mot peut se lâcher, du plaisir à être caressé qu’il faudrait se sacrifier à lui et l’entourer de soins amoureux. Mais les mères appellent cet âge l’âge ingrat : elles