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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/73

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yeux quémandeurs et cette bouche féline de torturée d’amour, et déjà il s’était dit, car il observait les femmes, que cette jeune fille devait souffrir physiquement ou cacher un tourment moral. Elle semblait mystérieuse, dans ses vêtements sombres, comme une urne de bronze, mais si gracieuse de ferme…

— Excusez-moi, monsieur l’abbé, j’ai peur… je ne pourrais pas traverser l’église, je tomberais… ma bonne est partie… Permettez-moi de m’asseoir et ne me quittez pas, je vous en conjure.

Abasourdi, le prêtre se recula d’un mouvement machinal, referma la porte, ne détachant pas les yeux de sa bizarre visiteuse. Quel danger courait-elle ou courait-il ?

Une veilleuse brûlait dans un petit vase d’albâtre et les éclairait d’une lumière trouble.

Laure se dirigea vers une des stalles de bois sculpté qui meublaient la sacristie, puis, tout à coup, poussant un cri faible, elle tomba en arrière, se renversant de toute sa hauteur, et risquant de se briser la colonne vertébrale à exécuter ce tour de force. Sa tête sonna sur les dalles, rebondit ; elle ne bougea plus, étendue comme une morte sans que rien ne fût dérangé dans l’ordre exquis régnant autour de sa personne ; ses cheveux encadrèrent sa tête, prolongeant sa toque de loutre comme une nappe de fourrure ; les plis de sa jupe l’enveloppèrent correctement, et elle eut une pâleur plus idéale sous la noirceur des cils clos.