Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/74

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L’abbé prit son parti de l’aventure, en homme qui est humain avant d’être prêtre ; il glissa le verrou pour ne pas donner lieu à d’inutiles commentaires si on entrait, et courut saisir une burette sur la crédence.

Bouleversé, il répétait, les doigts tremblants :

— En voilà une histoire ! Seigneur ! La pauvre enfant !

Il attrapa un bout de mousseline qui traînait, lui frotta les tempes, les narines, lui tapa dans les paumes. Laure ne bougeait toujours pas.

— Et point d’air pur, ici ! ajouta-t-il, c’est désolant. Si elle était morte…

Affolé, il posa son oreille contre la poitrine de Laure : le cœur battait très fort à la vérité. Il hésita une seconde. Non, cela, il ne pouvait pas le faire. Ouvrir un corsage, même pour un bon motif, c’était trop scabreux. Il se connaissait bien, il ne toucherait pas au sein d’une femme sans perdre la juste notion des choses, et cette jeune fille avait une si étrange beauté qu’il serait prudent de ne plus s’exposer aux sottes tentations.

Une philosophie douce le retenait, maintenant, sur les pentes dangereuses ; il redoutait un nouvel orage, et, d’ailleurs, se rappelait à propos les derniers sermons de l’évêque : « Ne donnons pas prise aux médisances, monsieur l’abbé, tout est là. »

Il s’assit dans une des stalles, des sueurs froides le long du dos, regardant l’évanouie d’un œil fixe, comptant les minutes. Le sacristain pouvait venir,