Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/120

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train de me souffler ma place, ou de remplacer votre chef !

— Au fait, songea naïvement la dame, ce serait une sérieuse économie. Je ne tiens pas au service des femelles.

Et elle ajouta, plus haut :

— Ma fille, combien vous dois-je ce mois-ci ?

— Trois mois… et cinq pour l’avant-dernier, déclara la fille sans sourire.

— C’est étonnant comme les mois augmentent, murmura la duchesse prise de court. Vous passerez chez l’intendant. Moi j’ai résolu de ne plus m’occuper d’argent parce que je ne sais pas compter.

Ce fabuleux ménage, où le service de tant de valets n’arrivait pas à contenter une seule maîtresse, marchait, cependant, avec une stupéfiante régularité. Personne n’ayant avoué, personne n’était jaloux. La duchesse ne pouvait pas plus lâcher ses amis qu’ils ne désiraient quitter sa maison. On vivait tour à tour dans un grand appartement, rue de Rome, dont les entrées et les sorties étaient propices aux visites nocturnes comme aux départs matinals, ou dans les endroits réputés pour leur