Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/160

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fais ce métier, on ne m’a pincé qu’une fois.

Sa voix baissa un peu et il suivit, du bout de son index brun, onglé long, le dessin de la nappe, à jour sur du satin rose.

— J’aime à courir, la nuit, à me reposer quand les autres travaillent. J’aime à courir après des bêtes qui ne sont pas plus bêtes que moi. On est alors le maître de la terre… Les gardes, les gendarmes !

Il éclata, franchement.

— Tenez, je vais tout vous conter, histoire de faire la paix entre nous. J’ai été élevé par un garde-chasse, celui du château de Coulance, un endroit loin d’ici, un bel endroit où il faudrait vous faire mener en voiture pour voir un beau pays. Eh bien, ce garde-chasse a fait de moi un braconnier fieffé rien que par son exemple. Il était payé pour le contraire, n’est-ce pas ? C’est lui, madame Lionnelle, qui m’a montré toutes les ruses du métier. Pas plus malin que lui pour éventer tous les trucs des animaux. Depuis le nid de la perdrix jusqu’à la bauge du sanglier, il a tout creusé, tout pris, tout vendu. Ce n’est pas la faute des propriétaires de ce domaine s’il n’y a plus rien à y chasser. Ce que ce bougre-là nous a débité de belles