Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/34

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autour des gâteaux monstres, des quartiers de viande saignante ou des tonneaux défoncés sans jamais consentir à s’apercevoir que ces objets de soi-disant première nécessité disparaissaient dans le ventre des grands bateaux se balançant comme des ours aux aguets dans leurs fosse, lesquelles victuailles s’évanouissaient totalement en fumée âcre, poudrant la ville de suie, sans profit pour personne. Il ne restait jamais rien au spectateur, mis en appétit, que des écorces d’oranges ou de bananes… qui faisaient glisser le pauvre monde d’une erreur à un juron !

Ils finirent par s’arrêter à la terrasse d’une taverne immense où l’on vendait, en toutes langues et à tous les prix, des tartines de foie gras, des pains anisés et des galettes chaudes, horriblement salées, qui incitaient les matelots nouveaux riches à consommer les boissons les plus effroyablement aromatisées de toutes les épices du Levant.

Leur voiture immobilisée à la porte de cette taverne, ils se résignèrent à la garder à tour de rôle, du coin de l’œil, tout en mangeant les tartines normandes qu’on leur fit payer cinq francs pièce.