Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vres gens ! Je crus que j’étais halluciné… Mais je l’ai vue… comme je te vois. Une femme à bord d’un navire de guerre !… Elle criait affreusement, blessée ou ébouillantée sans doute et se tordait les bras. Ses cheveux ruisselaient sous la lune en torrents d’or, et elle avait une poitrine splendide !…

Le canot se mit à tourner, aspiré par les remous, telle une toupie. Les hommes ne luttaient plus. J’en vis un qui prit la femme par les cheveux au moment où tout sombrait pêle-mêle… Puis je me sentis couler à mon tour. Ce fut alors que je songeai à nager pour aller chercher la femme. Pour moi il n’y avait plus qu’elle au monde et, quoi ! c’était stupide, il aurait fallu la faire passer en jugement, avec son ami, plus tard.

Le sous-marin, touché enfin, éclata comme une grenade et nous aspergea de pétrole ; puis ce fut le calme sous la lune radieuse. Je m’étalai sur le dos sans recommander mon âme à Dieu… parce que j’ai la conviction qu’elle n’est pas recommandable. La mer sentait l’huile minérale à vous tourner l’estomac, et les secours nous parvinrent, appelés par notre dernier sans-fil, juste au soleil levant.