Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/162

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Léon savait comment cela se terminerait dans la coulisse ! Elle n’était pas de ces actrices qui se lassent après le rappel. Elle jouerait encore, vibrant de la seule vibration métallique de ses couteaux, lame d’acier trempée aux feux des passions, désormais dédaigneuse de sang et de chair, n’usant plus que son propre fourreau noir.

La valse devenant plus ardente, Éliante mit un genou en terre, continuant à jongler dans cette gracieuse posture d’inspirée.

Elle fit passer les couteaux derrière son épaule avec le petit geste hésitant de l’enfant qui risque le morceau difficile, et, au moment où on s’y attendait le moins, sur un accord de harpe, elle retira vivement la tête et reçut le dernier couteau en pleine poitrine. Il s’enfonça, sembla trembler comme avait tremblé le premier dans le parquet de l’estrade.

On poussa un cri d’admiration.

Léon hurla d’horreur, se voilant la face.

Mme Donalger, gravement, ôta le couteau, chercha un joli petit mouchoir de dentelles dans sa ceinture de velours constellé, puis l’essuya et, comme il convenait, le mouchoir se teignit de rouge.

Éliante se releva, salua.

C’était la fin, le clou, l’inédit que l’on doit toujours à ses habitués.