Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/31

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Tulotte. C’était une vieille fille possédant ses diplômes et que Barbe vénérait à l’égal d’un docteur en droit. Il lui confiait sa femme les yeux fermés ; quant à Mary, elle ne devait pas avoir d’autre institutrice.

Daniel Barbe avait un frère, docteur en médecine à Paris, un savant plein d’idées nouvelles qui enrichissait la science de trouvailles fabuleuses. On parlait de lui respectueusement, son nom planait sur le reste de la famille comme une étoile ; c’était lui qui révisait les traitements des médecins passagers de Caroline, madame Barbe, la pauvre colonelle agonisante, et il avait eu l’heureuse idée des tasses de sang tout chaud à prendre chaque jour. Caroline buvait ce qu’on voulait ; elle aurait épuisé l’officine d’un pharmacien pour se guérir. Persuadée, ainsi que le sont toutes les poitrinaires, irrévocablement perdues, qu’un remède existe pour rendre un sang riche à des veines appauvries, elle avalait l’horrible breuvage avec la plus entière conviction. Et, de fait, elle reprenait un peu de force. Elle avait même exigé que son mari revînt partager sa couche malgré la défense formelle de son beau-frère.

Lorsque Mary entra dans la chambre de sa mère, au retour de l’abattoir où elle avait assisté à la fabrication de ce lait rouge qui guérissait, elle entendit la voix du colonel dire sur un ton de colère :

— Mais enfin, c’est absurde, cette idée de ne pas vouloir sortir quand tu étouffes. Il est six heures ; nous dînerons bientôt et tu n’auras encore pas d’ap-