Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/38

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Mary s’éloigna sur la pointe des pieds, le cœur gros ne saisissant pas le motif de la discussion et souffrant encore de la tête. Elle rencontra Tulotte qui, ne pouvant plus se dominer, indignée de ses désobéissances multiples, lui donna une tape.

— Méchante gamine !… laissa-t-elle couler de ses dents serrées.

Mary alla à la cuisine. Tout y était gai, sans remèdes, ni fioles. Estelle, les yeux allumés, flanquée de ses deux hussards dont les culottes rutilaient comme les flammes du fourneau, préparait son dîner d’une main experte, des légumes s’entassaient sur une assiette, carottes et choux, le plat favori du colonel. Un bouilli phénoménal s’étalait sur une couronne de persil. Tous les ustensiles de la batterie étaient en l’air. La fenêtre s’ouvrait grande, des tourbillons de fumée odorante s’en échappaient.

— Voyons, Monsieur Sylvain !… criait la rebondie créature, blonde comme un épi et d’une laideur fort agréable, ne touchez pas aux légumes… il en reste dans le pot-au-feu… Si c’est raisonnable !… ajouta-t-elle pendant que Pierre, sournois et entêté, s’emparait d’un poireau qu’il avalait, le nez levé, les paupières closes.

Et ils riaient tous les trois, faisant un excellent ménage, goûtant aux sauces, remuant les salades ensemble, mélangeant les odeurs de la cuisine avec les odeurs de l’écurie.

Mary ne s’inquiéta pas de leur gourmandise,