Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/40

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mettre un bonnet à elle, garni de broderies, un corsage de sa poupée et, ainsi affublée, la chatte la regardait furieuse, les oreilles couchées en arrière sous le bonnet de travers, les pattes prêtes à sortir des manches du corsage, montrant ses crocs aiguisés, jurant d’un ton sourd. Un peu inquiète, car la fête se terminait généralement très mal, Mary la suppliait d’un accent à attendrir des cailloux : « Do ! do !… l’enfant do !… » Ah ! oui !… la chatte se dressait tout d’un coup, lui sautait à la figure et lui labourait les yeux ou le nez. Pourtant, cette bête maligne, peut-être au fond s’amusant de la chose, ne s’en allait pas… elle restait blottie sous les lavandes tandis que Mary tamponnait ses joues, elle guettait sa victime, la prenant pour une grosse souris blanche, revenant avec des ronrons perfides, un air bonasse signifiant : « Si je te griffe… je te pardonne, tu sais !… » Et Mary la resserrait dans ses bras meurtris, répétant des serments d’éternelle amitié. Du reste, elle ne faisait aucun mal aux animaux, n’aimant que les chats, mais respectant tout ce qui était grouillant sur terre.

Ce soir-là, avant le dîner, Mary eut le nez balafré d’importance, la chatte lui fit une arête rouge sur la ligne de son profil et elle ajouta une vigoureuse morsure en pleine joue.

La petite fille, déjà si troublée, abandonna la bête au milieu du lierre, sans un mot de reproche, et alla se laver à la fontaine du potager. Une immense douleur emplissait le cerveau de l’enfant. Puisqu’on