Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/45

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guère nous mettre en joie ! Quelle peste, les femmes !

Mademoiselle Tulotte pinça les lèvres et tourna le dos, laissant là le père vis-à-vis de sa fille en révolution.

« Crénom d’un sort ! » bougonna-t-il. Puis, jugeant qu’une correction amènerait la détente nécessaire à ce système nerveux trop excitable, il empoigna Mary et, pour la première fois, lui administra le fouet de bon cœur.

La petite, après un déluge de larmes, se blottit sous ses draps, retenant de nouveaux cris, anéantie par une terreur qu’elle ne pouvait exprimer.

La mère, ensevelie dans ses tentures de soie bleue, n’avait rien entendu, on lui matelassait toutes ses portes afin que son repos ne pût être troublé, le matin, par le va-et-vient des ordonnances. Tulotte se recoucha en maugréant. Le colonel, ne se souciant pas de recevoir une semonce de sa femme, gagna le lit de camp qu’il avait fait dresser auprès de son bureau et un grand silence se fit dans la maison. Mary, seule, perçut un léger bruit… c’était Minoute qui bondit sur le lit de l’enfant, vint s’asseoir tout à côté de sa figure encore cuisante de pleurs et de coups de griffes. Mary ne dormait pas, elle regardait en dedans des choses bizarres. Oh ! la chatte ! la chatte, qui peut-être voulait la manger, elle la voyait grandie, rampant lentement sur le tapis à grosses fleurs de la chambre, ondulant comme un serpent couvert de fourrure. Sa queue flexible avait des remous pailletés. Cela lui faisait l’effet d’une lame de métal, le