Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/52

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alors, le colonel se levait comme poussé par un ressort ; le silence s’établissait et il débitait un speech, toujours le même d’ailleurs.

Cela roulait sur la prospérité du règne de Napoléon III, la grandeur de la France, les probabilités de guerres lointaines, l’excellente tenue du 8e hussards, le poil brillant de ses chevaux, la camaraderie de ces messieurs, les nouvelles promotions de l’armée, les croix qu’on pourrait recevoir et surtout la douleur profonde qu’il ressentait de la maladie de sa femme qui le privait de ses réunions intimes où chacun se retrempait pour le devoir du lendemain. Peu de politique, une horreur absolue d’une manifestation quelconque autre que des manifestations de sentiments militaires, un mépris arrogant de ce qu’on pensait, soit dans le peuple, soit dans la bourgeoisie.

À minuit moins le quart, tous les officiers se trouvaient du même avis sans savoir de quoi il s’agissait, des « Oh ! certes, mon colonel ! » des « Parbleu, vous avez raison, » se croisaient en tous sens. Jacquiat commentait avec chaleur la phrase sur le poil brillant des chevaux. Marescut avançait un adjectif timide, tandis que le trésorier, bien d’aplomb sur ses deux jambes écartées, expliquait à Zaruski de quelle façon on attrape des écrevisses dans la vallée de l’Allier.

Corcette, tutoyant tous les camarades comme il avait la dangereuse habitude de le faire chez sa femme, pérorait en semant ses discours d’imitations