Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/56

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la fin de juillet, offrit une collation féerique à mesdemoiselles de tous les régiments de la garnison. Par déférence pour le chef, le colonel Barbe n’osa pas refuser l’invitation. On décida que Mary serait conduite par Tulotte à la collation.

Elle avait encore un peu de fièvre. Le médecin de sa mère prétextait la croissance, un mal très anodin. Lorsqu’elle entra dans les salons du général, Mary eut un sourire de ravissement. Les croisées en portiques étaient ouvertes et festonnées de guirlandes, des suspensions de fleurs retombaient au centre de chaque portique, et le bleu éblouissant du ciel formait un fond infini comme un rêve à ces tableaux merveilleux. Une trentaine d’enfants polkaient dans des jonchées de roses ; des consoles recouvertes de velours supportaient des joujoux bariolés. À droite et à gauche d’un gros orgue de Barbarie, que tournait le nègre Jolicœur, s’élevaient des buffets en étagères ornés de pièces montées qui représentaient le numéro et les armes des régiments invités.

Un grand drapeau de soie enveloppait de ses plis les pyramides de brioche, de savarins et de pains fourrés. Des valets déguisés en cantiniers, le bonnet de police sur l’oreille, versaient les sirops et découpaient les gâteaux. Pour les mamans, on avait installé une tente sur la terrasse, derrière l’hôtel, d’où elles pouvaient surveiller les jeux du jardin. Ces dames avaient des tapisseries et brodaient, en devisant de la joie universelle.