Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/59

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petits garçons se servaient à présent de leurs chevaux démolis pour taper sur les fillettes désolées. Durant le combat, Mary s’était retirée avec son mouton, le taché de noir, derrière un bassin où il y avait des poissons ; elle souriait, heureuse de passer inaperçue et de pouvoir embrasser un animal qui ne griffait pas.

Soudain, le petit Paul Marescut, invité dans le tas, s’élança furieux sur Mary.

— En voilà un… il est à moi… rends le mouton… tu prendras le cheval !…

Mary se plaça devant son bien.

— Non, dit-elle, je ne veux pas.

Mary n’avait pas beaucoup de phrases : elle voulait ou ne voulait pas.

— Attends, dit Paul, fort de ses dix ans, je vais te faire faire ta madame, toi ! D’abord, le mouton vivant, c’est pour les hommes.

Mary eut peut-être la vague souvenance des brebis de l’abattoir.

— Tu veux le tuer ! s’écria-t-elle.

— Si ça me plaît ! riposta le gamin mis en goût par la fureur de la dispute… On nous a dit d’en faire ce que nous voulions, rends-le.

Mary étendit sa jupe de taffetas blanc devant l’agneau.

— Non !

Alors Paul déchira la jupe, envoya rouler Mary sur le gazon et, saisissant l’agneau par une patte, il l’entraîna victorieusement.