Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/63

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ville ayant désiré voir les hussards au diable… le papa, pour avoir la paix, avait glissé une note au ministre… et le 8e hussards allait au diable[1] !

Le colonel ne broncha pas, mais il redevint de mauvaise humeur, parla de renvoyer sa femme chez ses parents, en Bretagne. Celle-ci fit une scène de désespoir, elle ne voulait pas se séparer de son mari tant qu’Estelle serait à son service ; d’ailleurs elle ne pouvait se dispenser des soins de médecins coûteux, ses parents étaient pauvres, les femmes de militaires ne doivent-elles pas mourir à leur poste ?

— Jure-moi que tu garderas mon cercueil avec toi quand je ne serai plus ! dit-elle au colonel, dans un accès de sentimentalité qui la mit sur sa chaise longue pour une semaine.

Tulotte déclarait que si son frère était un homme, il écrirait au ministre.

Daniel Barbe haussait les épaules. Cependant, quand il aperçut Estelle pleurant entre ses deux ordonnances parce que Sylvain et Pierre feraient l’étape loin d’elle, il fut ému ; Estelle la cuisinière était la gaîté de la famille ; à tort ou à raison son humeur influait. Au quartier, le colonel passa une inspection des chambres désastreuses, il doubla toutes les punitions, et le 8e hussards, qui allait du Centre à l’Est parce qu’une jeune fille de quinze ans le voulait, fut mis, pour une bonne moitié, aux arrêts parce que la cuisinière de son colonel avait pleuré.

  1. L’auteur tient l’histoire de source certaine, avec la seule différence qu’elle ne se passait pas à Clermont.