Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/64

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Un régiment est une famille, n’est-ce pas ?… Ce qui touche ses chefs le touche. Ce sont là des choses bien naturelles.

Le 20 septembre on emballa. On prenait des hussards au quartier pour déménager les meubles : alors c’était un coup de feu abasourdissant pour les pékins rangés sur la place. Les soldats attrapaient des fauteuils au vol, un temps, deux mouvements !

La paille remplissait les rues avoisinantes, le camion roulait, attelé de ses chevaux peu commodes on clouait les caisses en chantant : Marlborough s’en va t’en guerre ! et la pauvre Estelle cassait des piles d’assiettes pour aller plus vite.

Le colonel expédiait ses dépêches sur le dos d’un planton, grondait les ordonnances, bousculant les hussards qui cessaient leur chanson dès qu’ils apercevaient son profil sévère.

À l’intérieur de la ville ces dames étaient sens dessus dessous.

Madame Marescut empruntait les soldats de tout le monde ; Adolphine, la trésorière, mettait ses six filles à pousser le piano dans sa caisse, tandis que Madame Corcette, le chignon au vent, vêtue d’une excentrique toilette de voyage, n’ayant jamais rien à emballer parce qu’elle prenait des garnis, se faisait la mouche du coche, visitant les malheureuses en gants clairs, les tenant assises sur leurs malles pour leur raconter combien elle regrettait le Puy de Dôme dont elle avait fait plusieurs fois l’ascension, tantôt avec de Courtoisier, tantôt avec Pagos-