Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/93

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n’osa pas entrer. Elle redescendit pour expliquer à son père que la bonne devait être très malade puisque M. Anatole la soignait dans son lit. Ce fut un trait de lumière, le colonel devina la véritable raison de la conversion d’Estelle. Il jugea même inutile de confondre les coupables, et, après avoir blâmé sa fille de se risquer au trou des serrures, il avertit Caroline.

— Te voilà bien !… s’écria celle-ci indignée ; tu veux renvoyer ma cuisinière parce qu’au lieu d’avoir deux hussards pour amants elle se contente d’un dévot !… Moi, je trouve qu’Estelle se range de plus en plus… et je la garde… Autrefois elle faisait ses horreurs dans la cuisine, maintenant elle monte dans sa chambre… Je te dis que je veux la garder !…

Le colonel ne répliqua rien, mais il avait l’esprit de corps. Il ne serait vraiment pas dit que ce faquin de buveur d’eau bénite demeurerait impuni. Il mit des gants de peau neufs et alla de nouveau chez sa propriétaire.

— Mademoiselle, affirma-t-il dès le seuil, votre intendant est un drôle qui suborne les filles : je viens de le découvrir en conversation légère avec ma bonne, une créature assez sage !… Pensez-vous, Mademoiselle, que je puisse me permettre de laver la tête à ce polisson ?

La dernière des de Cernogand se moucha, prit une pincée de son tabac — sa seule volupté — secoua sa robe d’orléans sur laquelle était tombée un peu de la fine poudre.