Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/96

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— Mary ! appelait la mère assourdie de réclamations, où es-tu allée ?

— Maman, je suis sortie pour jouer sur le trottoir puisqu’on me prend mes jouets dans la cour !…

— Qui te prend tes jouets ?

— Je ne sais pas, maman, peut-être le monsieur d’en haut !

— Allons donc !… tu es folle ! Enfin, si on te prend tes joujoux, il faudra veiller !… ajoutait la mère impartiale.

— Ah ! Madame peut croire, se récriait Estelle, que je battrais celui qui se le permettrait… J’aime trop mademoiselle Mary, seulement monsieur la monte contre moi… je le sens bien, et si Madame n’était pas malade, elle qui me garde malgré mes indignités, je m’ensauverais, voyez-vous !…

Ici Estelle, du coin de son tablier, s’essuyait les yeux.

— Mary… concluait la jeune mère attendrie, tu nous feras mourir de chagrin !

La petite fille serrait les lèvres, dédaignant d’accuser davantage des gens, que d’ailleurs elle ne saisissait pas sur le fait. Et puis elle finissait par s’imaginer que ce qui se passait devait être tout naturel. Seulement son caractère devenait de plus en plus sauvage ; elle s’asseyait sur les marches de l’escalier, le menton appuyé au poing gauche, le regard farouche, la bouche tordue d’un rictus étrange. Elle récapitulait toutes les avanies qu’on lui faisait subir et son horreur des grandes personnes s’ac-