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Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/40

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l’épouvanté : Mère, oseriez-vous, à cette heure, vous aller regarder dans une glace ?

la mère (se retournant vers le fond du salon et très troublée) : Non ! Non ! Je n’oserais pas… Si nous allumions une lampe…

l’épouvanté (la forçant à se rasseoir et ricanant) : Là… je savais bien que, vous aussi, vous auriez peur ! Tout à l’heure, vous y verrez très clair ! Pourquoi vous obstinez-vous, femme, à peupler nos appartements de ces cyniques erreurs qui font que je ne puis jamais, jamais être seul ? Pourquoi me lancez-vous à la tête cet homme-espion qui a l’habileté de pleurer mes larmes ? J’ai vu, un soir que je vous mettais une pelisse de fourrure sur les épaules en sortant d’un bal, j’ai vu dans un miroir sourire voluptueusement une dame qui vous ressemblait, ma mère !… Un matin que j’attendais ma cousine Sylvia, me morfondant derrière sa porte, un bouquet d’orchidées à la main, j’ai vu cette porte s’entrebâiller sur une glace immense où se