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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/55

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des fleurs, sectionnée par des sentiers d’une régularité désespérante, avait l’air du parterre d’un vaste mausolée correctement entouré de grilles le défendant contre les témérités des vivants. Çà et là, des petits ponts enjambaient des ruisseaux, des petits ponts en gros rondins, brillants, huileux, se fonçant aussi jusqu’au caramel, faux bois et fausse écorce, imitant le tronc d’arbre mal équarri, mais gardant en leur secrète armature l’inusable dureté du véritable fer. Les petits ruisseaux coulant sous les petits ponts glougoutaient, augmentés de fange. Les gazons, soigneusement peignés en temps ordinaire, s’imbibaient comme des éponges et une sorte de liqueur épaisse miroitait entre leurs chevelures courtes, une matière gluante pareille à la transsudation d’une maladie sébacéenne.

Interminablement les champs de betteraves s’allongeaient sous la pluie, prenant la dimension d’une mer, ayant des remous et des moires, des courants, toute une marée qui entraînait à perte de vue des vagues énormes de feuilles. Et, coupant ces champs comme des barques retournées par une bourrasque, les ponts, couleur de goudron, esquissaient leurs formes d’épaves fuyant au large. Des routes unies se déroulaient