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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/56

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plus blanches, frangeant d’une ligne d’écume ces sombres masses de verdures et d’eau mêlées, des routes désespérément blanches.

C’était un paysage navrant.

L’homme avait découvert, du côté de la forêt, tout près de la limite gouvernementale, une hutte déserte, une espèce de cabane de berger, ou de braconnier, bâtie en claies d’osiers, que le torchis maintenait tant bien que mal à l’état de murailles. Le toit s’effondrait en avant, et, en arrière, les branches de genévrier s’ébouriffaient, laissant filtrer les averses. Cette demeure, toute primitive, avait l’avantage, pour son habitant, de dominer la situation. Devant son ouverture — car il n’y avait plus guère de porte — s’étalait ce grand pays, somptueusement désolé, jusqu’au fleuve, et par delà les rangées de peupliers masquant le fleuve remontaient les collines jusqu’au ciel. On aurait vu poindre un gendarme de plusieurs lieues. Durant la semaine de beaux jours qui venait de s’écouler, il avait été possible de coucher en plein air, tantôt dans une meule de foin, tantôt sous les petits ponts rustiques. On ne pouvait plus y tenir, maintenant ; l’eau ruisselait, suintait de partout. En marchant, elle giclait du sol comme si la pluie sortait de terre