Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/324

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possible, hélas ! soupira Reutler en détournant la tête.

Paul-Éric vivait depuis un mois comme une femme de harem. En entrant chez lui, on était saisi à la gorge par l’odeur de l’éther et de l’ambre mélangés, une mixture de sa composition dont il se servait pour surexciter ses nerfs, ou les détruire, il ignorait lui-même le résultat. Quand il avait dépouillé le courrier de midi, griffonné quelques vers, qu’il trouvait géniaux, il s’étendait dans les coussins de son divan oriental et rêvait. Si Mica rôdait autour du divan, époussetant des étagères, disposant des fleurs fraîches, lui, roulant ses perpétuelles cigarettes de thé, essayait de compléter son éducation, mais, plus il torturait la jeune sauvage, plus elle lui devenait nécessaire, et après lui avoir fait des propositions abominables, il se bornait à la prier de le chausser, cela, vingt fois par jour. Il espérait l’humilier, en la jetant à genoux devant l’idole, et elle le chaussait soigneusement, ne pensant point que ce fût ridicule d’obéir. Guéri, sans autre cicatrice que le pli d’orgueil qui barrait son front dès qu’on prononçait le nom de son frère, il s’estimait fort heureux de rompre avec les fameuses habitudes de l’hygiène, les chevauchées de cinq heures du matin et les bains froids. Le mâle agonisait peu à peu en lui. Paralysé par la vie cérébrale, exagérant tous ses anciens vices de petit garçon sensuel, il ne supportait plus le tabac, dévorait les sucreries bizarres et préférait, de beaucoup, la présence de son groom, dont les racontars malpropres le faisaient rire, à celle de Mica, une jeune fille triste. Célestin lui amenait des odeurs d’écurie