Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/325

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qui renouvelaient celles de sa chambre trop pompadour. Ce voyou, agréablement stylé, possédait une santé de cheval qui lui permettait de boire le vin de Bourgogne comme de l’eau, et son jeune maître l’admirait pour ses capacités vraiment anglaises. Bien moulé dans sa livrée bleue, il portait la tête haute, en affectant de regarder les tapis, et proférait les syllabes les plus atroces du bout des dents, comme on croque des pastilles délicates, n’oubliant pas d’ajouter un : s’il plaît à Monsieur ! de l’effet le plus irrésistible. Il plaisait énormément à Monsieur qui n’admettait point les timides réclamations de Mica sur ce chapitre. Quand la petite servante grondait d’une voix un peu gutturale, répétant que les remueurs de fumiers doivent être rendus à leurs occupations quotidiennes, Paul soupirait, très doucement, d’une voix chantante :

— …Et les incendiaires aux travaux forcés ! Oui, chérie, tu as raison. Embrasse-moi !

Cependant, Paul, malgré ce phénoménal couple de domestique, qu’il appelait mon ménage, n’était pas sincèrement heureux.

Marie, couchant dans son cabinet de toilette, l’entendait pleurer au fond de ses oreillers, la nuit, et les mordre pour étouffer ses sanglots. Prise d’une pitié infinie, elle s’habillait furtivement, se glissait à son chevet :

— Monsieur Paul ? Vous êtes malade ?

— Non ! laisse-moi ! Va donc retrouver l’autre, tu en meurs d’envie, n’est-ce pas ?

Elle savait, par expérience, que c’était l’heure de la pénitence commune, l’heure où les croix pèsent