Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/344

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— Conclusion, Mica : nous sommes égales. J’ai une vague idée que nous pouvons faire, chez lui, tout ce qu’il nous plaira sans qu’il s’en mêle. Un harem, vois-tu, ça ne marche que lorsqu’on oublie d’y lancer son mouchoir.

— Vous n’avez pas honte de parler comme une fille ?

— Tu es bien intelligente, toi, pour une vierge. Mazette ! Quelle éducation de haut goût ! Tu vas m’empêcher de finir mon poème… Regarde-moi, dis ?

Elle contemplait, là-bas, le portrait sombre. Pourquoi Reutler prenait-il, à certains moments, le sourire de Paul-Éric ? Un sourire bizarre, si détaché de tout !… Ah ! Pourquoi fallait-il que ce fût l’autre, le grand, qui précisément ne voulût pas d’elle ? Le plus petit de ces tigres avait tellement l’air d’un joli chat joueur qui suit la jupe pour le seul plaisir de se rouler dans les tapis ! Était-ce dangereux de le laisser jouer ?

— Je t’aime énormément, Mica ! murmurait Paul de sa voix lasse. Tu es drôle, tu ressembles à un collégien en vacances chez une vieille cousine trop… jeune. Tu as des prunelles qui brillent et ta bouche est déjà toute fanée. Tu t’incendies toi-même avec ta sotte passion pour ton hercule Farnèse. Il est en marbre, en bronze ! Ne pleure donc plus. C’est idiot ! Tu te consumes, ma pauvre parcelle de femme ! Il mérite que tu lui prouves de quel bois on se chauffe quand on sait allumer le feu ! Envoie-moi ce bonhomme au diable ! Il est en pierre, entends-tu ? j’ai mes raisons pour te l’affirmer ! Et il a tort ! Tiens ! Tu me cajoles, à présent. Ce que ces sacrées femelles n’ont pas de mesure !…