Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/345

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— Écoutez, Monsieur Paul, dit-elle l’entourant subitement de ses bras, vous êtes gentil, plus gentil que lui, c’est vrai ! Seulement, lui, j’en suis folle… il m’a jeté un sort ! Est-ce que vous ne connaîtriez pas un secret pour se faire aimer de cet homme-là ? Je ne veux pas son argent, je vous le jure, je veux qu’il s’occupe de moi, qu’il me parle… il ne me dit plus rien et il ne s’arrête jamais devant ma porte lorsqu’il traverse le salon… Si ça continue, vous avez raison, je périrai de chagrin !

— Je ne connais qu’un système, fit Paul ironique : devenir ma maîtresse.

Elle éclata d’un rire forcé.

— Je le croirai… quand il me le répétera ! Il est le bon Dieu, lui, et il n’a pas la méchanceté de désirer ma mort !

Les yeux de Paul s’obscurcirent. Il se dégagea des bras joints de la jeune fille.

— Mica, ordonna-t-il de son ton bref qui commandait aux domestiques, va me chercher du champagne, j’ai soif ! Tu m’altères…

Elle courut lui chercher du champagne et rentra en disant d’un accent moqueur :

— Votre servante, Mademoiselle.

Au lieu de boire, il sortit brusquement.

Ce jour-là, il faisait noir et du vent, un temps d’ouragan qui secouait la vieille maison de Rocheuse comme un navire sur la mer. Autour de ses murailles, des lambeaux de nuages pendaient en haillons. Le cadet des de Fertzen traversa le grand salon, sans regarder du côté du ciel. Dans le corridor, il appela le sloughi qu’on attachait sous l’escalier de l’observatoire. L’animal, oublié