Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/369

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savais lâche, moi, qui ai quand même confiance en ton cœur…

— Tu m’étranglerais, hein ?

— Je crois que oui…

— Le choix entre l’étranglement ou six balles ! Penses-tu qu’il faut être lâche pour demeurer pendu à ton cou, espèce de sale soldat prussien ?

Reutler blêmit et ferma les yeux.

— Éric, vous êtes atroce.

— Mais non, j’ai le revolver à mon tour.

Il y eut un silence.

— J’écoute, dit enfin Reutler, se cachant la face dans les coussins du canapé, dis l’histoire de la femme aux cheveux verts, ce doit être plus drôle…

— Certes ! fit Éric retrouvant un éclat de rire ingénu… C’est idiot et c’est drôle tout plein !… Reutler, j’ai violé ta petite vestale…

Reutler ne fit pas un geste. C’était épouvantable, mais c’était fini, du martyre de l’incertitude.

— Imagine-toi, mon grand, continua le cadet, fumant avec flegme, que nous nous promenions, ce matin, sur les terrasses et que nous faisions tout autant de folies qu’il en fallait pour scandaliser nos gens. Tu comprends, il est nécessaire de scandaliser nos gens ! pour le bon motif. Ils y perdent leur latin de cuisine dans nos tergiversations… poétiques, nos gens. Quand on se décide, ça va, mais quand on ne sait pas ce qu’on veut, comme toi… hum !… ça devient très louche !… Je m’évertuais à expliquer notre situation… avec Mademoiselle Marie. Agréable métier… lorsqu’on se porte bien… Par exemple, quand on a des idées sur la pudeur des filles… c’est plus gênant…