Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/39

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un certain raccord, que vous fîtes dans une pièce de notre maîtresse, un raccord si plein d’à propos… Hein ? Vous en souvient-il ?

— Monsieur Paul, taisez-vous, par respect pour Madame.

Elle cherchait vainement à dégager ses mains. Paul l’attira plus près.

— Il était minuit, Janette, commença l’impitoyable garçon, l’heure des crimes. Madame, avec des intonations à la Sarah, me lisait sa dernière œuvre ; ça débutait par un barde gaulois et ça finissait par un hussard de la mort. Entre temps, c’est-à-dire le long de l’époque des Capétiens, je m’endormis. Horreur ! Madame était assise en peignoir bleu-azur sur le sofa Récamier, moi, juché sur le pied du lit. J’étais fatigué… Je ne me rappelle plus pourquoi, mais, les bardes gaulois me produisent toujours un drôle d’effet… après certains exercices… Où diable étiez-vous, Jane ? Ah ! vous étiez debout près du lit.

— J’écoutais, moi, Monsieur Paul, interjeta la jeune fille, baissant les yeux.

— Heureuse nature ! Je dormais si bien que ma tête allait exécuter un irrespectueux plongeon dans la courte pointe, lorsque je sentis une bouche, oh ! un effleurement de plume de colombe, — me souffler ceci, dans un baiser : Cheval de bataille ! On en était là de l’histoire, je me levai d’un bond. Cheval de bataille ! criai-je enthousiasmé. La belle rime ! Ah ! Janette vous m’avez presque sauvé la vie, cette nuit-là, et si j’osais vous rendre ce que je vous dois…

Paul se pencha, tenté par les paupières closes