Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bles, mon grand, répliqua Éric ramené à son idée de féerie. Peste ! Messieurs les hommes de science s’y entendent ! Et tu vas me flanquer encore une fois ta générosité à la tête durant que tu te divertis en alignant des petits morceaux de glace ?

Paul regardait fixement son aîné de tous ses yeux bleus, si merveilleusement durs.

— Ah ! Reutler, Reutler, proféra-t-il, hachant ses syllabes comme s’il eût coupé ses mots du bout de ses dents éclatantes, te mordre la poitrine jusqu’à ce que ton secret gicle… avec ton sang !

Reutler s’appuya, défaillant, au dossier de son fauteuil.

— Tu es un enfant terrible, mon pauvre Éric. Je n’ai pas d’autre secret que le tourment de te savoir… un homme de plaisirs.

— Il serait si simple de m’empêcher de m’amuser.

— De quel droit ? Du droit d’aînesse ? Non, va ton chemin. Nous nous rencontrerons sans doute, quand il en sera temps. (Reutler s’efforça de ricaner.) Alors ta bouche sera pure, et je lui livrerai mon cœur, si tu as toujours envie de mordre à la sagesse… Tu as bien tort de dire des choses affreuses. Tu devrais te souvenir que le verbe projeté a quelquefois la puissance de créer de nouveaux êtres. Un jour, le démon sortira de ton souffle !

Éric secoua la tête.

— Oui, oui, tu parles comme un prêtre, et tu ne crois à rien,

— Je crois à l’efficacité de la douceur contre la violence, je crois à la divinité de la tendresse. Je