Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/157

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et je suis peut-être plus ennuyé que vertueux pour le quart d’heure !

— Voilà de la pure galanterie ou je ne m’y connais pas, monsieur Bartau !

Elle fit une moue et reprit :

— Vous vous ennuyez… ici, chez moi ?

— Mais non, madame… je m’ennuie ailleurs.

— Serait-ce chez votre femme ?

— Je vous assure que…

— Ne m’assurez rien, vous allez mentir.

Abasourdi, Louis Bartau se tut, et, par contenance, il promena son regard désolé autour de l’appartement.

Il se trouvait dans le coin préféré de Mme Désambres, une sorte de pièce tendue en rond d’étoffe noire à ramages chinois pailletés de laque. Une immense baie, vitrée par une glace sans tain, trouait le mur du côté de la Loire, et l’on apercevait le paysage comme tout nu au milieu de la chambre. Ni draperie, ni rideaux n’encadraient ce morceau de nature. On en savourait les multiples effets par les temps sombres ou par le grand soleil avec la satisfaction égoïste de l’amateur qui se sent à l’abri au fond d’une baignoire de théâtre. Les premiers plans montraient le fleuve roulant, furieux, ses eaux d’hiver rougeâtres, çà et là frangées d’écume. Dans les lointains noyés du brouillard, quelques collines bleues et quelques villas blanches, puis, une large étendue de ciel roulant des nuages comme la Loire roulait ses ondes. À l’opposé de ce superbe tableau, une coquette cheminée de marbre rose supportait la statue de Sapho, en bronze légèrement teinté d’or. Cette antique