Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/179

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vait rien à craindre et cependant des nuages obscurcissaient sa vue… le moindre bruit la jetait palpitante contre un meuble, l’oreille aux guet, les membres agités de mille frissons. Comment serait-il ? en chasseur ou en voyageur ?… L’aimait-il toujours ?… Lui apporterait-il des fleurs comme la dernière fois ?

Oh ! que cette femme était bonne malgré ses railleries et ses soudaines fiertés ! Comme elle connaissait le cœur des autres femmes et comme elle avait le génie de l’amour ! Sûrement, le dîner serait exquis, soigné, sucré, plein de ces desserts friands que les gourmands préfèrent aux viandes saignantes. Si elle osait, elle irait voir dans la cuisine, mais par discrétion, elle restait là, les mains crispées, les yeux clos. Elle avait mis sa toilette la plus fraîche, une robe de cachemire bleu, tout unie, ornée d’un grand col de pensionnaire en fine toile de Hollande et le col s’écartait… juste ce qui était nécessaire pour faire deviner sa peau liliale. Elle avait natté ses cheveux simplement, un nœud de satin bleu pendait au bout, et, coquetterie adorable, elle avait remplacé sa broche d’or, le traditionnel cadeau des noces provinciales, par une touffe d’azalées, dérobée aux jardinières de son amie.

Le valet de chambre, toujours muet, apporta des lampes. Des pas pressés résonnèrent sur le perron.

— Je crois que je vais mourir ! songea Louise s’affalant dans un fauteuil.

C’était lui, le beau chasseur des jardins d’Amboise, et il avait couru tout d’une haleine de la gare à la maison de marbre.

— Ma chérie, ma déesse, mon trésor ! cria-