Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/226

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vagabond. Et je mourrai content, entre ma femme et mes deux enfants, si vous me promettez de ne pas abandonner les principes socialistes et radicaux des bons zigs !

Il s’effondra sur sa chaise, sanglotant.

Caroline, cramoisie, l’aurait souffleté volontiers. On applaudit pour la forme, et le charcutier, se levant à son tour, répondit par ce toast d’une autre nature.

— Monsieur Tranet, ainsi que madame votre épouse, je bois à l’amour conjugal qui adoucit le rude sentier de l’existence. Si ma défunte était là, je me sentirais le plus fortuné des hommes, car j’ai vu ce que je n’espérais jamais voir, un mariage bien assorti. Nous sommes au mois de mai, que les petits oiseaux chantent et que les fleurs se parent de leurs plus belles couleurs, ce sera une allégresse universelle, mon digne monsieur Tranet !

L’enthousiasme ne connut plus de bornes. On regardait Mme Désambres qui se pâmait sur l’épaule de Louise.

— Ah ! Madame, ne nous direz-vous pas aussi quelque chose ? supplia une voisine.

Toutes les femmes reprirent en chœur.

— Madame, buvez donc une santé, ce sera pour la bonne bouche.

Marcelle, avec un éclat de rire démoniaque, leva son verre, dans lequel moussait son champagne.

— Soit !…

« Je vous évoque, bacchantes des temps païens, dont la poussière tourbillonne encore dans les rayons du soleil printanier ! Écoutez-moi, folles de vos corps divins, qui êtes mor-