Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tes d’avoir trop aimé ou trop bu. Prenez ces cerveaux obtus en les soyeux filets de vos chevelures d’or, transportez-les sur les pelouses de Cythère et de Lesbos !… Que les faunesses les roulent sur les grappes écrasées, parmi les ivresses de la voluptueuse Vénus ! (Marcelle étendit les bras gracieusement, caressant du côté gauche la tête de Louise, du côté droit la tête de Louis.) Oh ! mes élus, voici que cette danse inouïe va vous envelopper de ses replis mystiques ! L’heure sonne des ébats célestes et terrestres. Où sont les pudeurs ? Tout au fond des abîmes avec les choses qu’on oublie, les maris infidèles, les épouses traîtresses, les deuils, les souffrances, les serments. Où sont les plaisirs ? Les voici ! vos deux sexes, vos beautés, vos forces, vos âmes croyantes et toutes éprises de délices surnaturelles. L’amour ? Il va renaître, comme le phénix, quand nous aurons incendié, en son honneur, toutes ces imaginations vieillies à travers les choses permises par les hommes vertueux… L’amour ? Nous sommes sa création ! Il est Dieu ! Nous serons dieux, la sublime union d’une trinité d’êtres qui ne veut en faire qu’un, l’être complet des légendes indiennes. L’amour monstre. L’amour !… je bois à ta jeunesse éternelle, mon maître ! »

Marcelle, la voix sonore, le geste rageur, parlait pour elle, et ils entendaient ses paroles comme on entend une romance inconnue.

Louise tressaillait, elle ressemblait à Marcel Carini, cette folle, c’était une transfiguration, et ses accents avaient des notes vibrantes, l’expression mystique de son frère, quand son frère parlait d’amour.