Un poignard à la main, sur Pyrrhus se courber,
Lever les yeux au ciel, se frapper et tomber.
Grâce aux Dieux ! Mon malheur passe mon espérance.
Oui, je te loue, ô ciel, de ta persévérance.
Appliqué sans relâche au soin de me punir,
Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J’étois né pour servir d’exemple à ta colère,
Pour être du malheur un modèle accompli.
Hé bien ! je meurs content, et mon sort est rempli[1].
Où sont ces deux amants ? Pour couronner ma joie,
Dans leur sang, dans le mien il faut que je me noie ;
L’un et l’autre en mourant je les veux regarder.
Réunissons trois cœurs qui n’ont pu s’accorder.
Mais quelle épaisse nuit tout à coup m’environne ?
De quel côté sortir ? D’où vient que je frissonne ?
Quelle horreur me saisit ? Grâce au ciel, j’entrevoi[2].
Dieux[3] ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi !
Ah ! Seigneur.
Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé ?
Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Mais que vois-je ? À mes yeux Hermione l’embrasse ?
- ↑ La Harpe dit, dans son commentaire : « Il faudrait avoir vu le Kain prononcer ces mots : « Hé bien ! je meurs content, » pour comprendre tout ce qu’ils ont d’effroyable dans la bouche d’Oreste. »
- ↑ Les éditions publiées du vivant de Racine n’ont ainsi qu’un point à la fin de ce vers. Les impressions plus récentes, déjà celle de 1713, en mettent plusieurs, comme pour une réticence.
- ↑ Il y a Dieu ! au singulier, dans l’édition de 1697 ; c’est une de ces fautes évidentes où cette impression cesse de faire loi pour nous.