Qu’ils poursuivent ailleurs ce qui reste de Troie :
De mes inimitiés le cours est achevé ;
L’Épire sauvera ce que Troie a sauvé[1].
Seigneur, vous savez trop avec quel artifice
Un faux Astyanax fut offert au supplice[2]
Où le seul fils d’Hector devoit être conduit.
Ce n’est pas les Troyens, c’est Hector qu’on poursuit.
Oui, les Grecs sur le fils persécutent le père ;
Il a par trop de sang acheté leur colère.
Ce n’est que dans le sien qu’elle peut expirer ;
Et jusque dans l’Épire il les peut attirer.
Prévenez-les.
Qu’ils cherchent dans l’Épire une seconde Troie ;
Qu’ils confondent leur haine, et ne distinguent plus
Le sang qui les fit vaincre et celui des vaincus.
Aussi bien ce n’est pas la première injustice
Dont la Grèce d’Achille a payé le service.
- ↑
· · · · · · · · Quidquid eversæ potest
Superesse Trojæ, maneat. Exactum satis
Pœnarum et ultra est · · · · · · · · · ·
(Troyennes de Sénèque, vers 286-288.) - ↑ « Ulysse jeta Astyanax en bas des murailles. (Servius in Æneide, lib. III, v. 489.) D’autres disent que ce fut Ménélas qui fit cette exécution. (Idem in Æneide, lib. II, v. 457.) D’autres l’attribuent à Pyrrhus tout seul… (Pausanias, lib. X.) Quoi qu’il en soit, les poëtes et les faiseurs de romans ont bien su le ressusciter, ou plutôt le faire échapper de la main des Grecs. » (Dictionnaire de Bayle, au mot Astyanax.) Les poëtes auraient pu répondre qu’ils avaient trouvé le fondement de leurs fables dans les Antiquités romaines de Denys d’Halicarnasse, où il est dit qu’Ascagne ramena à Troie Scamandrius (qui est le même qu’Astyanax) et les autres Hectorides que Néoptolème avait laissés sortir de Grèce. (Livre I, chapitre xlvii.) Il y a aussi dans Strabon (livre XIII), à propos de la ville de Scepsis, un passage qui suppose que Scamandrius, fils d’Hector, ne fut pas immolé par les Grecs et devint l’ami et le compagnon d’Ascagne. Cependant Racine, dans sa seconde préface, n’allègue pas ces anciennes autorités, mais se contente de rappeler que l’exemple de la liberté qu’il a prise avait déjà été donné par Ronsard et par nos vieilles chroniques.