Page:Racine - Œuvres, t4, éd. Mesnard, 1865.djvu/339

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hommes fort communs pour de grands hommes : aussi ne prétendez pas que je vous donne cet avantage sur moi ; j’aime mieux croire sur votre parole que vous ne savez pas les Pères, et que vous n’êtes tout au plus que les très-humbles serviteurs de l’auteur des Imaginaires.

Je croirai même, si vous voulez, que vous n’êtes point de Port-Royal, comme le dit un de vous, quoiqu’il dire le vrai j’aie peine[1] à comprendre qu’il ait renoncé de gaieté de cœur à sa plus belle qualité. Combien de gens ont lu sa lettre, qui ne l’eussent pas regardée si le Port-Royal ne l’eût adoptée, si ces Messieurs ne l’eussent distribuée avec les mêmes éloges qu’un de leurs écrits. Il a voulu peut-être imiter M. Pascal, qui dit, dans quelqu’une de ses lettres[2], qu’il n’est point de Port-Royal. Mais, Messieurs, vous ne considérez pas que M. Pascal faisoit honneur à Port-Royal, et que Port-Royal vous fait beaucoup d’honneur à tous deux. Croyez-moi, si vous en êtes, ne faites point de difficulté de l’avouer, et si vous n’en êtes point, faites tout ce que vous pourrez pour y être reçus : vous n’avez que cette voie pour vous distinguer. Le nombre de ceux qui condamnent Jansénius est trop grand : le moyen de se faire connoître dans la foule ? Jetez-vous dans le petit nombre de ses défenseurs ; commencez à faire les importants, mettez-vous dans la tête que l’on ne parle que de vous, et que l’on vous cherche partout pour vous arrêter ; délogez souvent, changez de nom, si vous ne l’avez déjà fait[3] ; ou plutôt

  1. Dans les Mémoires de Trévoux : « j’ai peine. »
  2. Dans la seizième. Il l’a répété en termes formels dans la dix-septième.
  3. Dans l’édition des Œuvres de Despréaux et dans les Mémoires de Trévoux, une note sur ce passage avertit le lecteur qu’« ils en avoient effectivement changé ; car M. d’Ancourt se nommoit Barbier, et M. du Bois se nommoit Goisbaut. » Mais les éditeurs de 1807 disent que Barbier ne prit le nom de d’Aucour que dix ans après la date