Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/427

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nous qu’elle fait honneur, il faut le marquer, et dire : une protection qui nous est si glorieuse.

Ce qu’il y a encore de plus considérable à observer sur cette phrase : combien nous honore une protection si glorieuse, c’est qu’elle roule sur des termes qui ne disent à peu près que la même chose, et qu’ainsi elle tombe dans le vice où tomberoit celui qui diroit : « Je sens combien me fait de plaisir une chose si agréable, » ou : « Je sens combien m’est utile une chose si avantageuse ; » car l’honneur et la gloire ne sont pas plus distincts entre eux que l’agrément et le plaisir, que l’avantage et l’utilité.

18. Quel bonheur pour nous de trouver en même temps le modèle le plus parfait de l’éloquence ! — De la façon dont ceci est énoncé, on ne donne pas assez à entendre où l’on a trouvé ce modèle ; et puisque c’est du Roi qu’on veut parler, il me semble qu’il auroit fallu dire : de trouver en vous, ou quelque chose d’équivalent. Mais sans m’arrêter à ce qui regarde ici l’expression, je passe à ce qui regarde le sens.

Le Roi parle sans doute très-purement ; il s’exprime avec une grande justesse, avec une grande précision, et il a l’esprit si excellent, il est si consommé dans les affaires de son État, que tout ce qu’il pense et tout ce qu’il dit dans ses conseils est toujours ce qu’il y a de mieux à dire et à penser. Tout cela fait un très-grand prince, un très-grand génie, qu’on peut proposer aux rois pour modèle ; mais fait-il un orateur éloquent sur le modèle duquel ceux qui aspirent à l’éloquence doivent et puissent se former ? De plus, quand le bon sens, la pureté et la précision qui règnent dans tout ce que le Roi dit dans ses conseils feroient cette véritable éloquence que les académiciens doivent chercher, comment la pourroient-ils imiter, puisque pour cela il faudroit être admis dans ses conseils et pouvoir l’entendre parler sur les affaires de son État ? Car s’ils n’ont l’honneur de le voir et de l’entendre que comme la foule des courtisans, ils pourront bien apprendre de lui à se posséder toujours, à ne dire jamais rien de dur, rien d’inutile, rien que de précis et de sage ; mais tout cela regarde bien plus les mœurs que l’éloquence. Ainsi, plus j’approfondis la louange qu’on a voulu donner en cela au Roi, moins je la trouve convenable.