Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/438

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pas fait cette traduction à Port-Royal, il l’a faite à Uzès : c’est un ouvrage de sa jeunesse. Quoique la traduction soit bonne, un fragment si peu considérable ne méritoit peut-être pas d’être imprimé ; il le fut cependant chez Gandouin, en 1732. On a mis à la tête une lettre sans date d’année, qui m’est in- connue, et ne se trouve point parmi les autres lettres, écrites à Boileau, qui sont entre mes mains. » Il faut en effet refuser de reconnaître l’authenticité de la lettre, dès qu’on veut faire passer la traduction du Banquet pour une œuvre de la première jeunesse de Racine, c’est-à-dire d’un temps où ni Boileau ni Racine n’allaient à la cour, où ils ne se connaissaient même pas encore ; il faut plus : il faut nier que le travail de Racine ait eu rien de commun avec celui de l’abbesse de Fontevrault, qui, née en 1645, ne traduisait apparemment point Platon lorsque Racine était à Port-Royal ou en Languedoc (de 1655 à 1663).

L’erreur que Louis Racine a commise dans ses Mémoires est trop évidente pour donner lieu à une discussion sérieuse. C’est à regret que nous ajouterons : le mot d’erreur conviendrait difficilement ici. Tous les papiers de son père, et aussi les notes de Jean-Baptiste Racine, avaient passé sous ses yeux quand il écrivit ses Mémoires. Ce qui est probable, c’est que jugeant l’abbé d’Olivet coupable d’un abus de confiance, il n’a pas été fâché de contester tout ce qu’il a pu dans une publication faite contre les intentions de la famille. La traduction d’ailleurs d’un ouvrage tel que le Banquet ne lui paraissait sans doute très-séante ni à une abbesse, ni à un converti, comme l’était Racine à l’époque où il s’en chargea. Ne voulant pas cependant aller jusqu’à nier l’authenticité de cette traduction, l’auteur des Mémoires aura pensé que, pour se tirer d’embarras, il fallait en faire un péché de jeunesse. En cette circonstance, comme en plusieurs autres, par une exagération de respect filial, il a manqué de sincérité, et, ce qui est moins grave, en même temps d’adresse.

M. Aimé-Martin, dans une note sur la Lettre où Racine annonçait à Boileau l’envoi de la traduction du Banquet (tome V de l’édition de 1844, p. 97), dit que, selon toutes les vraisemblances. Racine écrivit cette lettre après qu’il eut renoncé au théâtre, et avant la disgrâce de Mme de Montespan, c’est-à-