Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/439

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dire de 1678 à 1686 ; il n’a fait qu’adopter sur ce point l’opinion de M. de Saint-Surin, éditeur des Œuvres de Boileau (1821), opinion qu’il serait difficile de contredire ; car on ne voit pas quel autre temps assigner au travail que l’abbesse de Fontevrault obtint de la complaisance de Racine.

Voici comment M. Cousin, dans ses Notes sur le Banquet (tome VI de la traduction des Œuvres de Platon, p. 411 et 412), parle de la traduction de Racine et de celle de Mme de Rochechouart : « J’ai mis à profit ce morceau échappé à la plume savante de l’un des écrivains les plus habiles de la langue française. Il eût été ridicule de ne pas se servir d’une traduction de Racine, et cependant même à Racine je ne pouvais sacrifier Platon. De là les emprunts perpétuels que j’ai faits à ce fragment, et les changements que je me suis permis d’y introduire pour rétablir le sens et quelquefois la couleur de l’original. Quant à la traduction de Mme de Rochechouart, le style en est toujours bon, et il y a de loin en loin des tournures et des expressions heureuses que j’ai recueillies. D’ailleurs elle est d’une inexactitude qui ne permettait pas de songer à s’en servir. L’auteur d’Esther, dans la partie du Banquet qu’il a traduite, affaiblit l’expression de l’amour grec et substitue au langage naïf et direct de l’original la phraséologie équivoque de la galanterie moderne. Mme de Rochechouart dénature bien plus le texte, et le discours d’Aristophane n’est plus reconnaissable dans la chaste traduction de la docte abbesse. En effet, l’épreuve était aussi trop forte, et on ne peut la blâmer de n’avoir pas osé traduire ce qu’une femme lira même difficilement. On voit, au reste, qu’elle a traduit sur le latin de Ficin et ne connaissait pas le moins du monde l’original. »

En un point nous oserions ne pas nous soumettre entièrement à l’autorité du maître que nous venons de citer. Il nous parait bien sévère quand il reproche à quelques parties de l’œuvre de Racine « la phraséologie équivoque de la galanterie moderne. » L’expression de l’amour grec est certainement affaiblie à dessein et adroitement voilée par notre poëte, comme l’heureuse différence de nos mœurs lui a paru l’exiger ; mais nous ne voyons pas qu’il y ait substitué nulle part l’expression de la galanterie française. On aurait tout