Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/467

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festin où vous allez. C’est à vous de voir comment vous vous défendrez ; car pour moi, je dirai franchement que c’est vous qui m’avez prié. — Nous sommes deux, répondit Socrate, et nous étudierons en chemin ce que nous aurons à dire. Allons seulement. — Nous allâmes vers le logis d’Agathon, en nous entretenant de la sorte. Mais à peine eûmes-nous avancé quelques pas, que Socrate devint tout pensif, et demeura en la même place sans bouger. Je m’arrêtois pour l’attendre ; mais il me dit d’aller toujours devant, et qu’il me suivroit. Je trouvai la porte ouverte ; et il m’arriva même une assez plaisante aventure. Un esclave d’Agathon me mena sur-le-champ dans la salle où étoit la compagnie, qui étoit déjà à table, et qui attendoit que l’on servît[1]. Agathon s’écria en me voyant : O Aristodème, soyez le bienvenu, si vous venez pour souper. Que si c’est pour affaire, je vous prie, remettons les affaires à un autre jour. Je vous cherchai hier partout pour vous prier d’être des nôtres. Mais que fait Socrate ? — Alors je me retournai, croyant certainement que Socrate me suivoit. Je fus bien surpris de ne voir personne. Je dis que j’étois venu avec lui, et qu’il m’avoit même invité. — Vous avez bien fait de venir, reprit Agathon ; mais où est-il ? — Il marchoit sur mes pas, lui répondis-je ; et je ne conçois point ce qu’il peut être devenu. — Petit garçon, dit Agathon, courez vite voir où est Socrate ; dites-lui que nous l’attendons. Et vous, Aristodème, placez-vous à côté d’Éryximaque. — Un esclave eut ordre de me laver les pieds ; et cependant celui qui étoit sorti revint annoncer qu’il avoit trouvé Socrate sur la porte de la maison voisine, mais qu’il n’avoit point voulu venir, quelque chose qu’on lui eùt pu dire. — Vous me

  1. En tête de la page où se trouve ce récit, dans le Platon de Bâle, Racine a écrit : « Entrée du festin contée agréablement. »