Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/469

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magnifique, et qui brille aux yeux de tout le monde. Témoin la gloire que vous avez acquise à votre âge, et les applaudissements de plus de trente mille Grecs, qui ont été depuis peu les admirateurs de votre sagesse. — Vous êtes toujours moqueur, reprit Agathon, et vous n’épargnez point vos meilleurs amis. Nous examinerons tantôt quelle est la meilleure de votre sagesse ou de la mienne ; et Bacchus sera notre juge. Présentement ne songez qu’à souper. — Pendant que Socrate soupoit, les autres conviés achevèrent de manger. On en vint aux libations ordinaires ; on chanta un hymne en l’honneur du dieu Bacchus ; et après toutes ces petites cérémonies, on parla de boire. Pausanias prit la parole : « Voyons, nous dit-il, comment nous trouverons le secret de nous réjouir. Pour moi, je déclare que je suis encore incommodé de la débauche d’hier ; je voudrois bien qu’on m’épargnât aujourd’hui. Je ne doute pas que plusieurs de la compagnie, surtout ceux qui étoient du festin d’hier, ne demandent grâce aussi bien que moi. Voyons de quelle manière passer gaiement la nuit. — Vous me faites plaisir, dit Aristophane, de vouloir que nous nous ménagions ; car je suis un de ceux qui se sont le moins épargnés la nuit passée. — Que je vous aime de cette humeur ! dit le médecin Éryximaque. Il reste à savoir dans quelle intention se trouve Agathon. — Tant mieux pour moi, dit Agathon[1], si vous autres braves vous êtes rendus ; tant mieux pour Phèdre, et pour les autres petits buveurs, qui ne sont pas plus vaillants que nous. Je ne parle pas de Socrate : il est toujours prêt à faire ce qu’on veut. — Mais, reprit

  1. Racine a mis dans la bouche d’Agathon ce que Platon fait dire à Eryximaque. Ficin et de Serres, dans leurs traductions latines, ont commis la même erreur ; mais ils n’ont pas comme Racine supprimé la phrase : Οὐδαμῶς οὐδ’ αὐτὸς ἔρρωμαι, qui est dite par Agathon avant la reprise d’Éryximaque : « Tant mieux pour moi, etc. »