Page:Racine - Œuvres, t5, éd. Mesnard, 1865.djvu/470

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Éryximaque[1], puisque vous êtes d’avis de ne point pousser la débauche, j’en serai moins importun si je vous remontre le danger qu’il y a de s’enivrer. C’est un dogme constant dans la médecine, que rien n’est plus pernicieux à l’homme que l’excès du vin : je l’éviterai toujours tant que je pourrai, et jamais je ne le conseillerai aux autres, surtout quand ils se sentiront encore la tête pesante du jour de devant. — Vous savez, lui dit Phèdre en l’interrompant, que je suis volontiers de votre avis, surtout quand vous parlez médecine ; mais vous voyez heureusement que tout le monde est raisonnable aujourd’hui. — Il n’y eut personne qui ne fut de ce sentiment. On résolut de ne point s’incommoder, et de ne boire que pour son plaisir. — Puisque ainsi est, dit Éryximaque, qu’on ne forcera personne, et que nous boirons à notre soif, je suis d’avis premièrement que l’on renvoie cette joueuse de flute. Qu’elle s’en aille jouer là dehors tant qu’elle voudra, si elle n’aime mieux entrer où sont les dames, et leur donner cet amusement. Quant à nous, si vous m’en croyez, nous lierons ensemble quelque agréable conversation. Je vous en proposerai même la matière, si vous le voulez. — Tout le monde ayant témoigné qu’il feroit plaisir à la compagnie, Éryximaque continua ainsi : Je commencerai par ce vers de la Ménalippe d’Euripide[2] : Les paroles que vous entendez, ce ne sont point les miennes ; ce sont celles de Phèdre[3]. Car Phèdre m’a souvent dit avec une espèce d’indignation : O Éryximaque, n’est-

  1. Les mots : « reprit Éryximaque, » sont une addition de Racine, rendue nécessaire par l’erreur dont il est parlé dans la note précédente.
  2. Ménalippe ou Mélanippe, tragédie d’Euripide perdue : voyez Aristophane, les Thesmophoriazuses, vers 548. Le vers 272 de la même pièce est, comme nous l’apprend le scoliaste, tiré de Ménalippe.
  3. Ce dernier membre de phrase est, comme ce qui précède, en italique dans l’édition de 1732 ; mais c’est à tort.