Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
LES FRERES ENNEMIS.


ANTIGONE.

Ah ! le voicy, Madame, avec le Roy mon Frere.



SCENE IV.

IOCASTE, ETEOCLE,
ANTIGONE, CREON.


IOCASTE.


MOn Fils, c’eſt donc ainſi que l’on garde ſa foy ?

ETEOCLE.

Madame ce combat n’eſt point venu de moy,
Mais de quelques Soldats tant des Grecs que des norſtres,
Qui s’eſtant querellez les uns avec les autres,
Ont inſenſiblement tout le corps ébranlé,
Et fait un grand combat d’un ſimple démeſlé.
La bataille ſans doute alloit eſtre cruelle,
Et ſon évenement vuidoit noſtre querelle,
Quand du Fils de Créon le funeſte trépas,
Des Thebains & des Grecs a retenu le bras.
Ce Prince le dernier de la race Royale,
S’eſt appliqué des Dieux la réponſe fatale,
Et luy-meſme à la mort il s’eſt precipité,
De l’amour du pays noblement tranſporté.

IOCASTE.

Ah ! ſi le ſeul amour qu’il eut pour ſa patrie,
Le rendit inſenſible aux douceurs de la vie,
Mon Fils ce meſme amour ne peut-il ſeulement,
De voſtre ambition vaincre l’emportement ?