Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/50

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Elle ſçait ſon pouvoir : Vous ſçavez ſon courage.
Et ce qui me la fait redouter d’avantage,
C’eſt que vous appuyez vous meſme ſon courroux,
Et que vous luy donnez des armes contre vous.

NERON.
Moy, Burrhus ?
BURRHUS.
Moy, Burrhus ? Cét amour, Seigneur, qui vous poſſede…
NERON.
Je vous entens, Burrhus, le mal eſt ſans remede.

Mon cœur s’en eſt plus dit que vous ne m’en direz.
Il faut que j’aime enfin.

BURRHUS.
Il faut que j’aime enfin. Vous vous le figurez,

Seigneur, & ſatiſfait de quelque reſiſtance
Vous redoutez un mal foible dans ſa naiſſance.
Mais ſi dans ſa fierté voſtre cœur affermy
Vouloit ne point s’entendre avec ſon ennemy,
Si de vos premiers ans vous conſultiez la gloire,
Si vous daigniez, Seigneur, rappeller la memoire
Des vertus d’Octavie, indignes de ce prix,
Et de ſon chaſte amour vainqueur de vos mépris ;
Sur tout ſi de Junie évitant la preſence
Vous condãniez vos yeux à quelques jours d’abſẽce,
Croyez-moy, quelque amour qui ſemble vous charmer,
On n’aime point, Seigneur, ſi l’on ne veut aimer.

NERON.
Je vous croiray, Burrhus, lors que dans les alarmes

Il faudra ſoûtenir la gloire de nos armes,
Où lors que plus tranquille aſſis dans le Senat
Il faudra decider du deſtin de l’Eſtat :
Je m’en repoſeray ſur voſtre experience.
Mais, croyez-moy, l’Amour eſt une autre ſcience,