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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/40

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Titus

Madame…

Bérénice

Madame…Hé bien, Seigneur ? Mais quoi, ſans me répondre,
Vous détournez les yeux, & ſemblez vous confondre ?
Ne m’offrirez-vous plus qu’un viſage interdit ?
Toujours la mort d’un père occupe votre eſprit ?
Rien ne peut-il charmer l’ennui qui vous dévore ?

Titus

Plût aux Dieux que mon père, hélas, vécût encore !
Que je vivrois heureux !

Bérénice

Que je vivrois heureux ! Seigneur, tous ces regrets
De votre piété sont de juſtes effets.
Mais vos pleurs ont aſſez honoré ſa mémoire.
Vous devez d’autres ſoins à Rome, à votre gloire.
De mon propre intérêt je n’oſe vous parler.
Bérénice autrefois pouvait vous conſoler.
Avec plus de plaiſir vous m’avez écoutée.
De combien de malheurs, pour vous perſécutée,
Vous ai-je, pour un mot, ſacrifié mes pleurs ?
Vous regrettez un père. Hélas ! foibles douleurs !
Et moi (ce ſouvenir me fait frémir encore)
On vouloit m’arracher de tout ce que j’adore,
Moi, dont vous connoiſſez le trouble & le tourment,
Quand vous ne me quittez que pour quelque moment :
Moi, qui mourrais le jour qu’on voudroit m’interdire
De vous…

Titus

De vous… Madame, hélas ! que me venez-vous dire :
Quel temps choiſiſſez-vous ? Ah, de grace, arrêtez !
C’eſt trop pour un ingrat prodiguer vos bontés.

Bérénice

Pour un ingrat, Seigneur ! Et le pouvez-vous être ?
Ainſi donc mes bontés vous fatiguent peut-être ?

Titus

Non, Madame. Jamais, puiſqu’il faut vous parler,
Mon cœur de plus de feux ne ſe ſentit brûler.
Mais…