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Page:Radcliffe - L’Italien (trad. Fournier), 1864.djvu/38

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avec beaucoup d’adresse toutes les questions que ses frères pouvaient lui poser à ce sujet. On ignorait jusqu’au lieu de sa naissance. Diverses circonstances donnaient cependant à penser qu’il était homme de condition et qu’il avait joui de quelque fortune. Son caractère, dont la hauteur perçait à travers l’humble costume de son ordre, trahissait l’orgueil d’une ambition déçue plutôt que la fierté d’une âme généreuse. Ceux de ses frères à qui il avait inspiré quelque intérêt supposaient que la singularité de ses manières, sa réserve austère, son silence obstiné, étaient dus à des malheurs immérités dont le souvenir révoltait encore un esprit aigri, tandis que d’autres ne voyaient dans cette manière d’être que l’effet d’une conscience troublée par le remords de quelque grand crime.

Quelquefois, il se tenait plusieurs jours de suite à l’écart de toute société ou absorbé dans une méditation silencieuse. On ne savait pas toujours en quel lieu il se retirait, quoique l’on eût coutume d’épier ses allées et venues. Jamais on ne l’entendait se plaindre de rien ni de personne. Aucun des religieux ne l’aimait ; plusieurs éprouvaient de l’antipathie pour lui, et presque tous le craignaient. Son aspect, à la vérité, ne prévenait pas en sa faveur. Il était fort maigre et de grande taille ; lorsqu’il marchait enveloppé dans la robe noire de son ordre, il y avait dans son air je ne sais quoi de fantastique et de surnaturel ; l’ombre de son capuchon, projetée sur la pâleur livide de son visage, ajoutait à l’austérité de sa physionomie et donnait à ses grands yeux un caractère sombre dont l’effet approchait de l’horreur. On