Page:Radcliffe - L’Italien (trad. Fournier), 1864.djvu/39

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voyait sur ses traits une expression indéfinissable, c’était comme la trace de passions autrefois ardentes et qui n’animaient plus ce visage de marbre. Ses yeux seuls étaient encore si perçants qu’ils semblaient pénétrer dans le tréfonds du cœur humain ; peu de personnes pouvaient supporter ce regard d’aigle, et celui qui en avait subi l’effet évitait de le rencontrer une seconde fois. Ce moine pourtant, malgré son goût pour la retraite et les austérités, savait, à l’occasion, se plier avec une souplesse singulière à l’humeur et aux passions des personnes qu’il avait intérêt à se concilier, et il parvenait aussi à les dominer complètement.

Or, Schedoni était le confesseur et le directeur de conscience de la marquise de Vivaldi. Elle l’avait consulté dans le premier mouvement de sa vanité blessée, et l’avait pris pour confident de son indignation. C’étaient deux natures merveilleusement assorties pour le mal. Le moine savait mettre une extrême adresse au service de son ambition, et la marquise, jouissant d’un grand crédit à la cour, était résolue à tout sacrifier pour la défense de son orgueil de race. L’un convoitait une riche récompense ; l’autre était prête à tout prodiguer à celui qui l’aiderait à maintenir la dignité de sa maison. Poussés vers un même but par des passions diverses, ils concertèrent leur plan à l’insu du marquis lui-même.

Vivaldi, en sortant de la chambre de sa mère, avait rencontré Schedoni qui y entrait. Il n’ignorait pas que le moine était le confesseur de la marquise, mais l’heure de cette visite lui parut singulièrement choisie. Schedoni le salua avec un air de douceur