Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T1.djvu/113

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Les voyageurs restèrent quelque temps sans rien dire. Saint-Aubert rompit le silence, en s’écriant : C’est un intéressant jeune homme. Il y a bien des années qu’une connoissance si courte ne m’a si tendrement attaché. Il me rappelle les jours de ma jeunesse, ce temps où tout me sembloit admirable et nouveau. Saint-Aubert soupira et retomba dans la rêverie. Emilie se pencha à la portière, et revit Valancourt immobile à la porte et les suivant des yeux ; il l’apperçut et salua de la main : elle rendit cet adieu, et le tournant de la route ne lui permit plus de le voir.

Je me souviens de ce que j’étois à cet âge, reprit Saint-Aubert : je pensois et sentois précisément comme lui ; le monde alors s’ouvroit devant moi, et maintenant il se ferme.

Ô cher papa ! ne vous livrez pas à des pensées si sombres, dit Emilie d’une voix tremblante : vous avez, je l’espère, bien des années à vivre, pour votre bonheur et pour le mien.

Ah ! mon Emilie, s’écria Saint-Aubert, pour le tien ! oui, j’espère bien qu’il en est ainsi ; il essuya une larme qui couloit le long de ses joues, et souriant de sort attendrissement, il ajouta d’une voix ten-