Page:Radcliffe Chastenay - Les Mysteres d Udolphe T2.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feux qui doroient leurs sommets, et le violet mélancolique du soir s’étendit comme un voile. Qu’elle étoit profonde, qu’elle étoit belle, la tranquillité qui enveloppoit la scène ! La nature sembloit dans le repos. Les plus douces émotions de l’ame étoient les seules qui s’éveillassent. Les yeux d’Emilie se remplissoient de larmes, elle éprouvoit les élans d’une dévotion sublime, en élevant ses regards vers la voûte des cieux, tandis qu’une musique touchante accompagnoit le murmure des eaux. Elle écoutoit dans un ravissement muet, et personne ne rompoit le silence. Les sons paroissoient flotter sur les airs. La barque avançoit d’un mouvement si doux, qu’à peine pouvoit-on la sentir ; et la brillante cité sembloit s’approcher elle-même pour recevoir les étrangers. On distingua alors une voix de femme, qui, soutenue de quelques instrumens, chantoit une douce et langoureuse romance. Le pathétique de son expression, qui sembloit tantôt celle d’un amour passionné, et tantôt l’accent plaintif d’une douleur, sans espérance, annonçoit bien que le sentiment qui la dictoit n’étoit point feint. Ah ! dit Emilie en soupirant et se rappelant Valancourt, certainement ce chant-là part du cœur.